Dans le cadre de l’étude d’impact social, Hanna Allouch, en sa qualité de chargée de mission auprès de l’AND-SC2S, accompagnée de Binta Songde Diop, stagiaire à l’AND-SC2S, se sont rendues sur le terrain au sein des régions Auvergne-Rhône-Alpes, Ile-de-France, Ile-de-la-Réunion et Méditerranée, pour récolter des témoignages. Les éléments recueillis ont permis de dégager des tendances qui figurent au rapport d’évaluation d’impact social du SC2S.

Découvrez les particularités dont elles ont été témoin grâce à une pratique d’immersion et d’observation participante, notamment dans trois établissements.

Un des éléments marquant a été tout d’abord la découverte des EHPAD associatifs, leurs projets d’établissements, centré sur les résidents et leur projet de vie, au-delà d’un projet de soins. « On est chez eux ! » nous a-t-on dit dès notre arrivée. Des établissements nous ont permis de « vivre l’EHPAD de l’intérieur », en immersion et observation participante deux journées consécutives. Nous avons ainsi perçu au quotidien le respect pour chaque personne âgée, avons été témoins de la bienveillance en actes avec beaucoup d’attentions des équipes quels que soient leurs métiers. Cette bientraitance du matin au soir a été nous plutôt rassurante d’un point de vue sociétal pour nos aînés et pour l’avenir sachant qu’en 2060, les seniors représenteront 23,6 millions de personnes. Sentiment partagé par les volontaires interviewés. Trois EHPAD partenaires nous ont particulièrement marqué au regard de leur spécificité. Un en Ile-de-France (milieu périurbain) où séjournent de nombreux résidents en situation de précarité à leur entrée. Un autre à Marseille (milieu urbain) qui a eu la volonté d’aider à la fois les personnes âgées et les jeunes, face à l’isolement et la précarité dont les uns et les autres ont fait l’objet du fait de la crise sanitaire, en plus d’un témoignage éclairant de la directrice sur le changement de population au sein des EHPAD. Un dans la Vienne (milieu rural) où la liberté de mouvement est donnée à des résidents volontaires, avec plus ou moins de difficultés de mobilité, en autonomie, hors de l’établissement.

L’EHPAD visité en Ile-de-France a noué un partenariat étroit avec les Petits frères des pauvres (PFP). Si ces derniers interviennent dans différents EHPAD rencontrés, dans celui-ci ils y sont un acteur majeur. Ils orientent un certain nombre de seniors vers l’établissement, c’est ainsi que beaucoup de personnes âgées en situation de précarité y résident, dont certains ont vécu dans la rue. Un monsieur interviewé a vécu en forêt un an avant d’arriver à l’EHPAD. Les résidents concernés bénéficient d’aides sociales diverses. L’EHPAD a des rencontres régulières avec les représentants de l’association, pour s’assurer que chacun des résidents orientés a bien les conditions d’inclusion au dispositif. Un suivi régulier est par ailleurs assuré par un ou deux bénévoles. Les bénévoles sont nombreux à intervenir régulièrement, comme nous l’a confié la directrice adjointe lors de notre entretien : « Ce sont environ 40 femmes des Petits frères des pauvres qui interviennent le weekend, à deux souvent. » Les Petits frères des pauvres proposent également des sorties et des séjours de vacances à celles et ceux qui sont sans contact avec leurs familles – situation des deux personnes âgées interviewées – afin de lutter contre cet isolement spécifique.

L’EHPAD visité d’un arrondissement de Marseille a exprimé une double motivation à accueillir des jeunes du dispositif SC2S au sein de l’établissement. D’une part, pour les personnes âgées et d’autre part pour les jeunes eux-mêmes dans une logique de solidarité de la structure. En période post COVID – suite à la fermeture des établissements aux visites des proches, aux actions intergénérationnelles – les résidents ont été terriblement impactés de fait par ce grand isolement, pour celles et ceux qui ont survécu au virus. La directrice déplore – comme d’autres établissements – de nombreux décès (1/3 en 2021 et plus de 2/3 entre 2020 et 2021). Nous avons été surprises par le constat qu’elle nous a partagé de résidents beaucoup plus atteints, qu’ils soient déjà là ou nouveaux entrants, une réalité de la population vieillissante mais exacerbée et accélérée avec le COVID 19 : « Ce que l’on avait vu comme une tendance est devenue une normalité, on a pris un pic colossal dans cette orientation médicalisée de nos métiers ! On est sur des populations beaucoup plus fragilisées, polypathologiques, dramatisées rapidement, avec une durée moyenne de séjour, qui, en l’espace de 2 ans a diminué de 200 jours, ce qui est colossal, avec une rotation de population exceptionnelle. » Nous avons également été alertées par le fait qu’en EHPAD, l’accompagnement de la personne âgée sur du temps long n’est plus vraiment d’actualité, ce temps étant en train de se réduire. « On est moins dans l’accompagnement de la personne dans un autre projet de vie. On est uniquement dans l’accompagnement sur un projet de soin. C’est compliqué, c’est beaucoup plus médicalisé. » La directrice nous a également partagé que « (…) la présence des volontaires crée une normalité de l’espace de vie, perdu en deux ans. Ça change de l’orientation purement thérapeutique du lieu, même si on essaie de faire plein de choses de cet environnement-là, ce sont des personnes tierces qui ne sont pas identifiés comme soignants. » La précarisation d’un certain nombre de jeunes, impactés eux-aussi par la crise sanitaire avec un sentiment d’isolement pour beaucoup, a également été une préoccupation pour la directrice et l’établissement. Et comme elle en a témoigné : « On a tellement été touchés par ce que vivaient les étudiants, l’immense précarité dans laquelle ils étaient avec la crise sanitaire, ça nous a un peu boosté à les accueillir ! Mince ils crèvent la faim donc les repas ici c’est hors de question qu’ils les payent ! Ce qu’ils vivaient n’était pas humain ! On s’est dit, on se met un peu en risque (du fait du COVID) avec des jeunes dans l’établissement mais ça nous permet de retrouver cette forme de normalité. Et puis il y avait aussi une nécessité de pouvoir leur donner un coup de main d’une façon ou d’une autre. Ce que je regrette tellement qu’on n’ait pas pu faire ça avant, on a tellement eu de jeunes, étudiants, dans des situations de précarité alors que nous, on avait besoin d’aide. »

L’EHPAD visité d’un village de la Vienne nous a étonné par une de ces pratiques innovantes semble-t-il. Des résidents peuvent sortir seuls de l’EHPAD, en déambulateur ou en fauteuil, juste pour se promener à leur guise, pour leur bien-être physique et surtout mental. Un monsieur qui fut un grand marcheur et reste beaucoup dans sa chambre depuis son arrivée quelques mois auparavant, part en promenade une heure, en solitaire, trois fois par jour, ce qui est vital pour lui nous a-t-on dit ! Nous avons également rencontré quatre élèves infirmiers en stage à l’EHPAD dont la mission était, entre autres, de réaliser trois parcours de promenade autour de l’établissement. Parcours de différentes longueurs pour proposer une offre élargie aux personnes âgées selon leur état en termes de mobilité et d’équilibre, et leurs envies du moment, comment elles se sentent. Nous avons vu ces stagiaires concrètement à l’œuvre accompagner des résidents volontaires, leur apprendre à se promener à plusieurs (2 ou 3), en sécurité et solidarité, malgré leurs difficultés de mobilité respectives et ainsi participer à leur redonner confiance en eux. La dame marchant avec une canne pouvait pousser le fauteuil d’une autre, aux côtés d’une troisième en déambulateur. Voilà qui permet aux personnes âgées de se promener « en liberté » (préparée et encadrée) autour de l’EHPAD, de traverser un petit pont de pierres, de marcher sur un chemin au bord d’un petit bois le long de la rivière, d’accéder à un petit parc avec des jeux d’enfants, étape propice à des liens intergénérationnels « dans la vraie vie de la commune ». Dans le parc se trouve également un petit étang, dont elles peuvent faire le tour ou encore s’arrêter sur un des bancs du chemin, le temps d’une pause en tranquillité. Même si cet EHPAD, en milieu rural, a un bel espace extérieur donnant sur des prés avec des animaux, ces parcours permettent aux résidents qui le souhaitent (et le peuvent) de prendre un bol d’air en toute autonomie. Nous avons fait ces parcours (sans les résidents) et cela nous a permis de voir la dimension agréable et animée de ces promenades proche de la nature, plus ou moins aménagée.

Enfin, ce qui nous a marqué est d’avoir constaté que les volontaires ont toute leur place, en complémentarité des équipes. Alors que les équipes sont quand même en tension avec le « tout à faire » au quotidien, les volontaires permettent plus de temps individuel proposé aux personnes âgées, le temps de se poser un moment pour discuter, échanger des idées, des connaissances, dans un coin du grand salon, à la bibliothèque ou dans leur chambre quand ils y sont invités. Leur présence est aussi indéniablement bénéfique sur la vie sociale quotidienne des résidents et leur dynamique de vie avec d’autres. En effet, certains professionnels nous ont dit qu’avant d’arriver à l’EHPAD beaucoup de personnes âgées vivaient seules et qu’il leur fallait apprendre ou réapprendre à vivre en collectif. Les volontaires en motivent certaines et en accompagnent d’autres à participer aux temps d’ateliers en petits groupes ou aux temps d’animation en grand groupe. Le personnel n’a pas toujours ce temps-là. Leur jeunesse est très appréciée par les seniors et leur famille. Des jeunes qui apportent une dimension intergénérationnelle, parfois essentielle aux seniors « C’est comme les enfants et les petits enfants surtout pour nous qui ne voyons pas les nôtres. » « Ça améliore mon moral grandement, quand je suis arrivée il n’y avait que des personnes âgées donc à leur visite on se sent bien, c’est joyeux ! »